- BLINDÉS (MATÉRIELS)
- BLINDÉS (MATÉRIELS)Le 15 septembre 1916, à Flers, dans la Somme, neuf engins blindés britanniques, montés sur chenilles et appartenant à l’armée Rawlinson, faisaient irruption dans les lignes allemandes et y semaient la panique. Ils apportaient la réponse à ce problème, posé depuis un an que s’affrontaient des millions de combattants terrés dans la boue: comment franchir le triple obstacle des tranchées, des barbelés et du feu?Une arme nouvelle était née, bien rudimentaire encore, puisque au départ ces engins étaient trente-neuf. En Grande-Bretagne, c’est Winston Churchill qui, par son obstination, parvint à imposer son emploi. Premier Lord de l’Amirauté, il fit dessiner, par les ingénieurs de la marine, les premiers projets de tanks , nom conventionnel de camouflage, mais qui resta. C’étaient les «croiseurs terrestres». En France, en même temps, le général Estienne, le père des chars, imposait le nom de «chars de combat» aux engins blindés.Certes, Hannibal avec ses éléphants et Léonard de Vinci avec ses dessins avaient montré la voie. En Cyrénaïque, en 1913, les Italiens avaient déjà fait intervenir des automobiles blindées, prélude à la guerre du Désert de 1941. Mais il fallait le génie inventif des Américains pour imaginer de munir leurs tracteurs, afin de défricher leurs immenses espaces agricoles, de chenilles , sans lesquelles le char d’assaut serait demeuré enlisé.Les Allemands n’accordèrent pas assez d’attention à l’arme nouvelle. Les Français y crurent, et Renault, le 11 novembre 1918, avait livré 3 177 chars d’assaut. Tout de suite, on comprit que l’engin sur chenilles pouvait faire figure soit de char d’assaut accompagnant l’infanterie, soit d’affût extrêmement mobile pour toute pièce d’artillerie. Le mariage entre la cavalerie et les blindés serait plus tardif: il était appelé à durer.Le général de Gaulle devait, dans son ouvrage Vers l’armée de métier (1934), dégager la leçon de 1916. Les Allemands ne l’avaient pas oubliée.La Seconde Guerre mondiale vit évoluer dans les plaines polonaises et françaises, dans les immensités russes, dans les sables de l’Afrique du Nord les engins allemands. D’autres, plus puissants, en vinrent à bout. La guerre ne se concevait plus sans les blindés.Même durant la guerre du Golfe, souvent qualifiée de «guerre des nouvelles technologies», 5 000 chars alliés prirent une part active à la conclusion de l’opération Tempête du désert.1. Caractères générauxAppellations des matériels blindésLa variété des appellations des matériels blindés ne peut manquer de désorienter le lecteur non averti. «Char de combat» et «tank» ont été les noms français et anglais des matériels blindés de la Première Guerre mondiale, mis à part les automitrailleuses de cavalerie, d’origine déjà ancienne. Le mot «char de combat» traduisait l’idée et la mission militaires de ces matériels. Les Allemands l’ont conservé dans la traduction Panzerwagen , réduite par la suite au mot plus connu de Panzer . L’expression anglaise tank , «réservoir», avait été choisie à des fins de camouflage.Le développement des grandes unités blindées pendant la Seconde Guerre mondiale a montré la nécessité de motoriser et de protéger par du blindage les canons d’artillerie avec leurs servants, ainsi que les groupes de combat d’infanterie accompagnant les chars proprement dits. Ceux-ci ont continué à être le fer de lance de ces unités, aptes à se battre par le feu et le mouvement contre leurs adversaires. De ce fait, ils sont devenus des matériels avec tourelles «tout azimut», alors que seul le char Renault FT était de ce type en 1917. Il y a eu, cependant, une exception. Le char suédois Bofors S de 35 t possède un canon de 105 mm monté sur la caisse, pointé horizontalement par les chenilles. Ses homologues en Russie, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, aux États-Unis ont tous des tourelles.Le nom d’«automoteur d’artillerie» désigne les matériels d’artillerie qui accompagnent les chars, à la place des canons tractés d’autrefois. Le mot allemand est Selbstfahrlafette , le mot anglais selfpropelled ou motor carriage. Mention est faite du calibre du canon ou de l’obusier transporté: automoteur de 105, 105 AMX 13, motor carriage M 7 aux États-Unis.L’expression «automouvant» désigne, en France, les matériels d’artillerie où le canon est monté directement sur le châssis sans casemate blindée protectrice. Le canon est servi à l’air libre comme un matériel tracté. La formule est utilisée en France et aux États-Unis pour les calibres élevés à partir de 155 mm.Les automoteurs comportent diverses variantes, selon la mission de l’arme qu’ils transportent. Les chasseurs de chars, Panzerjäger, Tank Destroyers, portent des canons antichars soit en casemate semi-blindée, soit en tourelle, soit montés à l’avant directement sur la caisse. L’un des plus connus a été le Jagdpanther de la Seconde Guerre mondiale, matériel allemand fortement blindé, porteur du célèbre canon antichar de 88 mm tirant son obus perforant à une vitesse initiale de 1 000 m/s. Il y a aussi les automoteurs de D.C.A., développés soit à partir d’armes automatiques classiques, soit à partir de missiles, la tendance étant, au moins pour la basse altitude, de panacher les deux types de matériels dans une même unité.Une catégorie importante, développée en Allemagne et en ex-Union soviétique, est celle des canons d’assaut (Sturmpanzer en Allemagne, samokhodniye ustanovki en ex-Union soviétique, abréviation SU). L’avant de la caisse est fortement blindé en raison de l’emploi du matériel dans des missions de rupture. L’un des plus connus fut le SU 152 mm, constitué par un canon-obusier de 152 mm et un châssis dérivé de celui d’un char lourd (KV ou Staline).Pour les matériels d’infanterie, l’habitude est de distinguer les véhicules blindés de transport et les véhicules de combat. Les BTR soviétiques, véhicules blindés de transport, sont des véhicules de la première catégorie. Les VCI français AMX 13 appartiennent à la seconde. La distinction est loin d’être absolue et les formules sont variées; il y a des matériels à roues, des matériels à chenilles, des matériels à train de roulement mixte. L’armement peut comporter une mitrailleuse lourde, un canon antichar, un lance-missiles. Tels ont été, pendant la Seconde Guerre mondiale, les véhicules semi-chenillés américains bien connus, les half-tracks.Les matériels de reconnaissance, Aufklärung Panzerwagen , scout cars , ont pris la suite, tout au moins en France et en Grande-Bretagne, des automitrailleuses de la cavalerie. Ce sont en majorité des matériels à roues, très rapides, très mobiles, armés soit d’un canon antichar léger, soit d’un obusier court, soit d’une mitrailleuse légère. Les Britanniques aux Indes, les Français en Afrique ont utilisé de tels matériels.À ces appellations militaires, qui traduisent la mission tactique du matériel, s’ajoutent des noms plus usuels, dont le choix correspond à des coutumes, variables avec les pays. Les Américains donnent à leurs chars des noms de généraux. Le char moyen M 4 est devenu le char General Sherman, plus simplement le Sherman. Il y a eu le Chaffee, le Pershing, le Patton. Les Allemands utilisent des noms d’animaux combatifs: Wespe (guêpe), Panther, Tigre, Leopard. Les Britanniques utilisent des noms de personnalités ou des expressions militaires: Cromwell, Churchill, Centurion, Chieftain. En France, la coutume est de rappeler le nom de l’établissement constructeur accompagné, avant 1940, de l’année d’homologation du prototype et, après 1945, du poids du prototype: ainsi char R 35 signifie char Renault de 1935 et char AMX 13 signifie char construit par l’atelier d’Issy-les-Moulineaux et pesant 13 t. Après 1918, il y avait eu des lettres caractéristiques de programmes (chars D et chars B). En Union soviétique, les noms furent variés: personnalités, usines ou simples numéros.Dans tous les pays, il y a des noms purement «comptables», des numérotations de modèles: M 1, M 2, M 57, etc., aux États-Unis; Pz I, Pz II, Pz VI, en Allemagne; Mark I, II..., V et V en Grande-Bretagne; etc. La littérature technique peut aussi mentionner des désignations intérieures aux usines: le char R 35 était ainsi appelé le char ZM à l’intérieur des usines Renault en 1936.Le concept «blindé» a été peu à peu étendu à l’ensemble des matériels de combat et de service. On distingue désormais des blindés du génie, transporteurs de pont, pousseurs de dozers , des blindés dépanneurs, des blindés lance-flammes et des châssis dérivés des matériels blindés de combat, à roues ou à chenilles, porteurs de lance-missiles ou de fusées. La revue du 14-Juillet, à Paris, par exemple, présente de tels matériels.Cependant la tendance va à une certaine simplification. Les missions des «chasseurs de chars» et des «canons d’assaut» sont assurées par le char principal des grandes unités blindées qui tire les munitions adéquates antichars et antipersonnelles. En fait, subsistent autour de ce dernier: des automoteurs et automouvants d’artillerie (D.C.A. comprise), des véhicules blindés de transport et de combat d’infanterie, des véhicules blindés de reconnaissance et de police, souvent à roues, des véhicules blindés du génie (dozers et poseurs de pont), et des chars de dépannage.Facteurs de puissanceLes facteurs de puissance d’un matériel blindé de combat sont les caractéristiques qui définissent ses possibilités d’action. Trois sont fondamentales: armement, mobilité, protection. Le commandement fixe, pour chaque programme de matériel, l’ordre de priorité à observer en fonction de la mission tactique impartie.Ces caractéristiques principales se déduisent d’un ensemble de données techniques sur lesquelles techniciens et tacticiens ont à se mettre d’accord, car les compromis sont inévitables.Quelques critères sont essentiels pour classer un matériel:– le calibre du canon, la vitesse initiale de sa munition antichar, la puissance de perforation de cette dernière;– la puissance du moteur et la puissance spécifique, nombre de chevaux par tonne disponibles;– le tonnage du matériel en ordre de combat;– la vitesse maximale possible sur route horizontale;– la valeur de la protection blindée.Un autre facteur de puissance est le nombre des matériels blindés disponibles dans une armée. La Première Guerre mondiale avait déjà montré l’importance de l’emploi en masse des blindés. En mai et juin 1940, 3 500 blindés allemands et autant de français participèrent aux opérations. En 1943, les chiffres de production ont été d’environ 10 000 en Allemagne et de près de 30 000 aux États-Unis et en U.R.S.S. La capacité de production de blindés d’un pays est essentiellement liée à la puissance de son industrie lourde.Constitution d’un char de combatDans un char de combat moderne doté d’un armement sous tourelle et d’un train de roulement à chenilles, la caisse blindée forme châssis. La rigidité de ce dernier dépend des épaisseurs de blindage. Des entretoises sont nécessaires si ces épaisseurs sont faibles.Le train de roulement comporte des galets indépendants, fixés aux éléments de suspension également indépendants, généralement des barres de torsion. Des ressorts classiques, à lames et à boudins, hydrauliques ou hydropneumatiques, ont été utilisés. À l’arrière, une roue motrice, le barbotin, entraîne la chenille; à l’avant, cette dernière est renvoyée par la poulie de tension, ainsi appelée parce que son déplacement horizontal réglable permet d’ajuster la tension de la chenille. Celle-ci est constituée par des patins métalliques articulés porteurs de chevrons en caoutchouc. Les chenilles à rubans continus revêtus de caoutchouc sont en général réservées aux véhicules légers.La caisse porte la tourelle montée de façon à permettre une rotation tout azimut. Le canon a un débattement en hauteur positif et négatif par rapport à la tourelle. Une lunette de tir permet son pointage et un télémètre indique au pointeur ou au chef de char la correction de hausse. Cette organisation peut être simplifiée et le télémètre supprimé si les conditions d’emploi se limitent à des hausses courtes, inférieures à la hausse de combat permise par la trajectoire de l’obus utilisé.Le groupe moteur comprend le moteur proprement dit, avec ses accessoires de démarrage, de refroidissement, d’allumage et la boîte de mécanisme assurant à la fois propulsion et direction. Cette dernière est devenue spéciale avec l’escalade des puissances, alors que, pour les premiers matériels de 1917, la boîte de vitesses et l’embrayage restaient séparés du système de direction et pouvaient être choisis, comme le moteur, parmi des organes de série de l’industrie automobile.Dans les chars Leopard allemand, Chieftain britannique ou M 60 américain, on retrouve des organisations semblables avec des équipements optiques d’observation et de pointage pour service de jour et de nuit (infrarouge), des possibilités amphibies, des dispositifs de protection de l’équipage contre l’air vicié par les effets nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Les chars moyens peuvent circuler au fond des rivières grâce à un schnorkel. Les véhicules plus légers flottent et se propulsent dans l’eau.Les organes des matériels blindés utilisent des matériaux de qualité, notamment des aciers alliés nickel-chrome. Quelques matériels français et américains ont des carcasses en tôles d’aluminium soudées. Les boîtes de mécanisme de type épicycloïdal ou hydraulique imposent des fabrications délicates et des aciers alliés de hautes caractéristiques.Les conduites de tir modernes comprennent des équipements électroniques importants et onéreux. Les moteurs sont aussi très évolués car ils doivent donner le maximum de puissance avec un minimum d’encombrement et, en principe, avoir la caractéristique «polycarburant».Les matériels blindés de combat constituent pour l’industrie lourde, métallurgique et mécanique, une activité de qualité.Facteurs d’évolutionL’évolution des matériels blindés depuis 1917 a été commandée, en premier lieu, par celle des conceptions tactiques d’emploi des grandes unités, la constitution de ces dernières, la mission impartie à chaque catégorie de matériel. L’histoire des blindés offre, à ce sujet, des exemples marquants.La technique intervient, car c’est elle qui fournit au tacticien et à l’ingénieur les possibilités de solution.Le premier aspect technique de l’évolution des chars correspond à la lutte classique du canon et de la cuirasse. En 1917, il s’agissait de résister aux balles des armes automatiques d’infanterie. La première surprise a été l’apparition de la balle allemande SMK de 7,5 mm et du fusil antichar de 13 mm. L’armée française dut surblinder les chars Schneider et Saint-Chamond. Les armes antichars se sont développées, utilisant des obus pleins en acier spécial à des vitesses initiales de plus en plus élevées et de calibres de plus en plus forts: de 40 à 47 mm avec une vitesse initiale de 600 m/s en 1940, de 75 à 88 mm et 1 000 m/s en 1945. Les chars ont augmenté de poids avec la puissance de leurs canons et l’épaisseur de leur blindage. Le prototype «Maus» allemand, en préparation en 1945, aurait pesé plus de 200 t et porté un canon-obusier de 152 mm. Par la suite, la tendance fut d’aller vers l’allégement, la mobilité, l’utilisation de munitions nouvelles à charge creuse ou à noyau sous-calibré.La technologie des aciers alliés a subi une évolution lente, mais importante: usinabilité et soudabilité des aciers à blindage; limites élastiques plus élevées pour les aciers à canon; caractéristiques sans cesse améliorées pour les organes mécaniques.L’évolution des moteurs commande celle des caractéristiques de mobilité. Les puissances spécifiques sont passées de 6 ch/t en 1917 à 10 en 1940, puis à 15, 20 et même 30. Les vitesses de régime ont augmenté de 1 200 à 2 600 tr/min, l’aluminium a remplacé l’acier et la fonte dans les blocs, les carters et les culasses. Les moteurs polycarburants ou multicarburants ont fait leur apparition au Royaume-Uni (moteur Rolls-Royce de 240 ch des véhicules blindés AFV, Armoured Fighting Vehicle , et du char suédois S), en Allemagne (moteur Daimler-Benz, de 830 ch du char Leopard), en France (moteur Hispano de 720 ch du char AMX 30). Elle a sans doute mis fin à la vieille controverse diesel-essence. Les Soviétiques avaient opté pour le diesel en raison de sa consommation spécifique basse (moteur des chars T 34 et KV), les Américains pour l’essence, après quelques exceptions telles que celle du char Sherman M 4 A 2 doté de deux diesels jumelés de la General Motors.Les boîtes de mécanisme ont suivi les moteurs, tournant plus vite, transmettant des puissances plus élevées; elles sont devenues spéciales, groupant organes de propulsion et de direction: cross-drive américain; boîtes Merrit-Brown des chars britanniques Churchill, Centurion et Chieftain; boîte ZF (Zahnradfabrik) du Leopard allemand; AMX du char AMX 30 français. Les convertisseurs de couples hydrauliques sont redoutés par certains techniciens en raison de leur rendement jusqu’ici insuffisant. Les transmissions électriques, après le départ brillant sur les chars français Saint-Chamond et 2 C, n’ont fait que de timides apparitions sur prototypes en France, aux États-Unis, en Allemagne. Elles sont estimées trop lourdes. Mais le dernier mot n’est jamais dit en technique.La chenille reste encore le système de roulement favori; la roue est en général réservée aux véhicules blindés légers de reconnaissance à quatre roues (AML Panhard française) ou à six roues (Saladin britannique). La controverse roue-chenille continue; il y eut des projets de matériels à grandes roues (du type de l’aviation), d’autres avec des systèmes inédits comme la vis d’Archimède.Les mines ont posé et posent toujours au char des problèmes. La technique permet de réduire en partie les effets des mines sur le char et surtout de créer des matériels, toujours imparfaits, de détection et de destruction. Si efficaces que soient les mines, elles n’ont jamais empêché les percées et les raids des chars en Russie, en Libye, en Normandie, au Sinaï, etc.La charge creuse et les cocktails Molotov donnèrent au fantassin, à partir de 1942, les armes antichars qui lui manquaient en 1940. L’efficacité en a été démontrée, en 1942-1943, à Stalingrad. La charge creuse est maintenant compatible avec les grandes portées grâce aux obus à charge stabilisée. C’est un problème sérieux qui préoccupe tacticiens et techniciens, mais qui ne semble pas condamner les blindés. Par contre, les expériences de la Seconde Guerre mondiale (campagne de France en 1940, batailles de Russie, percée d’Avranches en 1944) des guerres israélo-arabes et, bien sûr, de la guerre du Golfe ont montré l’importance cruciale pour les blindés de l’action aérienne.L’électronique s’est introduite dans les conduites de tir. Il faut «faire mouche au premier coup», d’où le perfectionnement des systèmes de correction dans le pointage.En ce qui concerne les transmissions, l’automaticité est recherchée afin de simplifier la conduite et l’instruction. Grâce aux progrès réalisés par les équipements hydrauliques dans l’industrie des poids lourds, les systèmes hydrostatiques ont fait leur apparition avec succès dans les chars modernes.Les moteurs continuent à évoluer avec des rendements accrus et des systèmes de suralimentation nouveaux (procédé Hyperbar du char français AMX-Leclerc).Dès 1973, la guerre du Kippour avait montré l’importance et l’efficacité des armes antichars d’infanterie, obus perforants des mitrailleuses lourdes et projectiles autopropulsés avec tête à charge creuse. Les blindages composites, élaborés par la suite, ont permis d’apporter une parade efficace.Familles de matériels blindésLe besoin de faciliter la logistique d’entretien dans une grande unité blindée, de rendre leur fabrication plus économique, a conduit les ingénieurs à standardiser, pour un ensemble de véhicules de «même pied», les organes mécaniques, moteurs, boîtes de mécanisme, chenilles, éléments de suspension. Les Soviétiques ont donné le premier exemple, en montant le même moteur Diesel V 12 de 500 ch du char T 34 sur cinq matériels différents (T 34, KV 1, SU 152, SU 85, SU 122). La France a suivi l’exemple après 1945 avec la famille AMX 13; les Britanniques développèrent la famille Abbot AFV et les Allemands une famille à partir de leur Schützenwagen de 20 t.2. Les chars précurseurs (1914-1918)Les chars sont nés presque simultanément en France et en Angleterre en 1916. Les inventeurs français ont été en premier lieu le général Estienne, fondateur de l’artillerie d’assaut (A.S.), l’ingénieur Brillie pour le char Schneider, le colonel Rimailho pour le Saint-Chamond, Louis Renault et son coéquipier Serre pour le char FT. En Angleterre, les Mark ont associé les noms du colonel Swinton, d’Albert Stern, de Winston Churchill, Premier Lord de l’Amirauté à l’époque, des colonels Elles et Füller, du lieutenant Wilson. Les caractéristiques des chars utilisés par les diverses armées pendant la Première Guerre mondiale sont données dans le tableau 1.Chars françaisCe sont les chars Schneider, Saint-Chamond, Renault FT, puis, après 1918, le char lourd 2 C des Forges et Chantiers de la Méditerranée à La Seyne.Le char Schneider fut, en fait, le premier canon d’assaut. Il était armé d’un obusier de 75 en casemate latérale. Le baptême fut douloureux à Berry-au-Bac, le 16 avril 1917. Sur 132 chars Schneider engagés, 80 furent immobilisés, dont 35 brûlés, 17 détériorés par l’artillerie, 28 en panne mécanique.Le char Saint-Chamond, plus lourd et plus rapide, était également du type du canon d’assaut. Son canon de 75 en casemate tirant dans l’axe était plus puissant que l’obusier du Schneider. Le premier engagement eut lieu au Moulin de Laffaux, le 5 mai 1917 (un groupe Schneider et un groupe Saint-Chamond, soit au total 48 chars, dont 20 furent immobilisés).Le char Renault FT fut réalisé en deux versions à tourelles armées respectivement d’un canon de 37 mm ou d’une mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm. Il fut le premier char construit en grande série (plus de 3 000 chars Renault en 1918, contre environ 400 Schneider et 400 Saint-Chamond). Le char Renault répondait à l’idée tactique de masse. Son grand succès fut l’attaque Mangin, à Villers-Cotterêts, le 18 juillet 1918, dans laquelle 300 chars furent engagés, appuyés par l’aviation et un barrage roulant, sans préparation d’artillerie initiale.Les chars 2 C avaient été commandés pour l’offensive terminale de Lorraine, prévue en novembre 1918 par le maréchal Foch. Ils sortirent après 1919; 10 exemplaires furent construits. Ils avaient un canon de 75 en tourelle avant, 3 mitrailleuses Hotchkiss de 8 mm en casemate (avant et côtés), une mitrailleuse Hotchkiss de 8 en tourelle arrière. Son grand franchissement de 5 mètres devait lui permettre de passer les écluses dans le nord de la France, c’était un véritable croiseur terrestre. Les ingénieurs de La Seyne l’avaient doté d’une transmission électrique à courant continu, remarquable pour l’époque. La source de puissance était constituée par deux moteurs allemands Maybach de 250 ch, livrés au titre de l’armistice de 1918, ancêtres des moteurs Maybach HL 120 et HL 230 des chars Pz IV, Panther et Tigre de la Seconde Guerre mondiale.Chars britanniquesLe premier tank fut le Mark I réalisé en deux versions: le tank «mâle» avait deux canons de 6 pouces en casemate et le tank «femelle» 4 mitrailleuses. Le baptême eut lieu, prématurément au goût des Français, le 15 septembre 1916, à Flers, dans la Somme. La surprise tactique fut totale, mais l’effet de cette expérience resta limité. Le grand succès allait être la bataille de Cambrai, le 20 novembre 1917: 476 chars furent engagés et il y eut une percée de 7 km, qui ne put être exploitée par la cavalerie de l’époque.Le Mark I fut modifié et la série des modèles aboutit, en 1918, au char Mark V dont la France équipa un bataillon lourd au camp de Mourmelon. Il était armé de deux canons de 57 en casemates latérales (remplacés plus tard par des obusiers courts de 75 ABS) et deux mitrailleuses.Les Mark avaient une chenille enveloppante, qui permettait d’excellents franchissements; leurs embrayages latéraux épicycloïdaux de direction annonçaient les futures boîtes de vitesses Wilson, présélectives.Chars allemandsL’état-major allemand ne devait croire aux chars qu’après les victoires des blindés alliés en 1918. Il en retint la leçon.Récupérant quelques Mark anglais, il les copia plus ou moins dans le modèle A 7 Wagen, surnommé «El Friede». Il était armé de six mitrailleuses, d’un canon de 38 et portait un blindage élevé pour l’époque.3. Les matériels blindés de 1918 à 1940La période 1918-1940 a comporté, jusqu’en 1935, dans tous les pays, des tâtonnements divers concernant les doctrines d’emploi et les caractéristiques optimales des matériels. Il y eut des prototypes, des petites séries, l’apparition de canons antichars nouveaux.La recherche d’une meilleure mobilité fit apparaître en Grande-Bretagne les chenilles à petit pas Carden Lloyd, tandis que l’ingénieur américain Christie imaginait un train de roulement à grandes roues, qui connut le succès en Union soviétique (char BT Christie et surtout char T 34).Les moteurs virent augmenter leur puissance et leur vitesse de régime passa de 1 200 à 2 000 tr/min environ, tandis que la controverse fleurissait concernant le système de refroidissement (à air ou à eau), le carburant et le type du moteur (Diesel ou à carburateur).Les systèmes de direction rustiques à embrayage devaient subsister en Union soviétique (char T 34), en Allemagne (char Pz IV). Des systèmes plus évolués naquirent en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, utilisant des combinaisons de plus en plus savantes de systèmes épicycloïdaux.La société anglaise Vickers réalisa des matériels lourds à tourelles multiples, en particulier pour l’Armée rouge, qui ne devaient pas résister à l’expérience des combats. L’armée française prépara son char moyen B 1, sortit des chars D de 15 t, avec un canon de 47 en tourelle, des automitrailleuses à chenilles rapides (60 km/h). Les Britanniques travaillèrent dans deux directions, les chars rapides de cavalerie et les chars plus lents, dits d’infanterie. Leurs matériels de 1940 et 1941, non compris des modèles très légers de valeur très réduite, sont donnés dans le tableau 2.Les chars Valentine devaient être cédés aux Soviétiques après la campagne de 1941; ces chars britanniques furent surtout utilisés en Cyrénaïque. Il y avait 600 chars britanniques en France en 1940, dont beaucoup, légers, devinrent vite périmés.L’armée française possédait, en 1940, quatre types de matériels blindés:1. Les chars légers (Renault R 35, Hotchkiss H 35 et H 39, FCM 35), construits d’après le même programme: équipage de deux hommes, blindage de 40 mm ou équivalent. Armés du même canon de 37 mm en tourelle, celui du char FT, ils roulaient à 20 km/h avec une autonomie de 7 à 8 h. Les dernières tranches furent équipées d’un canon semi-automatique plus puissant que le canon allemand équivalent. Leur point faible fut l’armement et l’absence de radio pour une partie des matériels.2. Le char moyen de bataille B 1, poids de 30 t, vitesse de 27 km/h, blindage de 40 à 60 mm, équipage de quatre hommes; armement: un canon de 47 SA en tourelle à obus perforant de vitesse initiale de 600 m/s, excellent pour l’époque, et un obusier de 75 en casemate pointé par les chenilles. Il fallut, par la suite, réaliser un débattement latéral de l’obusier par rapport à la caisse (char B 1 bis ); la finition du pointage se révélait trop délicate, en raison du glissement et des à-coups des chenilles. Son point faible fut un rayon d’action trop limité (6 h).3. Le char Somua, particulièrement brillant, d’un poids de 20 t, équipage de trois hommes, blindage de 40 mm, autonomie de 7 à 8 h, vitesse de 40 km/h, armement: un canon de 47 mm SA 35 en tourelle.4. L’AMD Panhard 35, armée d’un canon de 25 mm, d’une vitesse de 80 km/h, d’un poids de 8 t, blindée à 13 mm, d’un équipage de trois hommes, succédait à une longue série depuis l’ancêtre Genty-Panhard de 1906.Les Allemands possédaient quatre types de chars (tabl. 3). Ils récupérèrent en Tchécoslovaquie des chars Praga de 15 t (Pz 38 t), dont la fabrication fut continuée. Ces chars servirent de châssis à divers automoteurs d’artillerie et, après 1945, à l’autocanon de 75 mm GX 13 de l’armée suisse.La campagne de France, en 1940, opposa chars allemands et chars français. Les critiques militaires admettent, en général, que le nombre total des chars engagés fut égal des deux côtés et voisin de 3 500; que les chars français avaient un meilleur blindage et, pour les chars B 1 et Somua, un armement au moins égal à celui des allemands, par contre des moyens inférieurs en radio. Il y eut surtout la supériorité aérienne du côté allemand, l’emploi par petits paquets dispersés du côté français, contrairement à l’action par grandes masses du côté allemand.Un matériel italien, le Semoventi, canon-obusier-automoteur de 75 mm (18 calibres de long), d’un poids de 16 t, a été employé en Libye ainsi que des chars légers Ansaldo-Fiat CM 13 de 14 t, armés d’un canon de 75 court.Les Soviétiques avaient des modèles Vickers et Christie (tabl. 4).Le T 28 (Vickers-Armstrong) était un char lourd armé d’un canon de 76,2 en tourelle.Le T 35 Vickers était lui aussi un char lourd à tourelles multiples, armé d’un canon de 76,2 en tourelle principale et de deux canons de 45 mm en tourelles secondaires. Ce type de char, conçu en croiseur de bataille comme le char 2 C français de 1918, ne devait pas avoir de suite.Le T 26 B Vickers, armé d’un canon de 45 mm en tourelle, fut remarqué pour son canon pendant la guerre d’Espagne.Le BT Christie, armé d’un canon de 45 mm en tourelle, était l’annonce d’un grand succès de la Seconde Guerre mondiale, le char T 34.La plupart des matériels soviétiques de 1940 devaient disparaître des champs de bataille après les combats germano-soviétiques de 1941, et, pratiquement tous, après 1942.4. Les chars de la Seconde Guerre mondialeLes Japonais développèrent des chars nationaux après leurs combats en Chine et en Mandchourie; en particulier, un véhicule blindé léger de 3 t, armé de deux mitrailleuses, le Chokei Sensha, et un char de 9 t, le Kego, armé d’un canon de 37 mm. Les plus grandes productions de blindés, à partir de 1942, eurent lieu en Allemagne, en Union soviétique, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.Matériels allemandsLes Allemands utilisèrent les chars français, les chars tchèques, leurs Pz I, II et III périmés, comme châssis des automoteurs les plus variés, à base de canons et d’obusiers, dont les calibres varièrent de 75 à 152 mm.Ces matériels, de conception souvent très rustique, furent utilisés surtout dans les Balkans et en Russie. Il y eut des automoteurs de 75 et 105, sur châssis de chars Hotchkiss H 39, dans les unités allemandes de 1944 en Normandie. Les Allemands durent procéder ensuite à la course des calibres et des vitesses initiales avec les Soviétiques dès l’apparition, à la fin de 1941, du char T 34, porteur d’un canon de 76,2 mm, plus puissant que le canon de 75 du char Pz IV.Les canons de 37 mm et de 50 mm des chars Pz III furent progressivement abandonnés et le canon court de 75 des chars Pz IV de la campagne de France fut remplacé par un canon à 40 calibres de longueur. Puis vinrent le char Panther et le char Tigre, armés finalement de canons de 75 et 88 mm, tirant un obus perforant plein à une vitesse initiale de 1 000 m/s. Ces chars avaient le même moteur Maybach de 600 ch. Ils roulaient respectivement à 48 km/h et 32 km/h. Leurs poids étaient de 45 et 56 t, ce dernier chiffre porté à plus de 60 t dans des versions ultérieures (char Tigre Royal).Dans les automoteurs spéciaux, il convient de citer le Wespe, obusier automoteur de 105, bâti à partir du châssis du Pz II, pesant 13 t; le Jagdpanther pesant 41 t, construit à partir du châssis du char Panther et armé du canon de 88 mm du Tigre Royal; le Jagdpanzer IV pesant 27 t, construit à partir du châssis du char Pz IV et du canon de 75 du char Panther; le Jagdtiger, pesant plus de 70 t, construit à partir d’un châssis de char Tigre et armé d’un nouveau canon de 128 mm.Il y eut des Sturmgeschütz de 75 mm sur châssis Pz III et de 150 mm sur châssis Pz IV, le Hummel. Un modèle très blindé, le Ferdinand, chasseur de chars, construit à partir des éléments du Tigre, eut des difficultés en Russie, en raison de son poids trop élevé (70 t), de sa pression exagérée et de sa vitesse de déplacement trop faible, inférieure à 20 km/h.Les critiques militaires soulignent, en général, l’excellente valeur de l’artillerie des chars allemands des deux dernières années de la Seconde Guerre mondiale.Matériels soviétiquesLe développement des blindés soviétiques devait être considérable à partir de 1942. Il a été marqué essentiellement par le char moyen T 34 et les SU, dérivés du T 34 et du nouveau char lourd KV, notamment le SU, porteur d’un canon-obusier de 152 mm. Le char lourd KV devait, par la suite, donner naissance au char lourd Joseph-Staline et à ses successeurs.Le char moyen T 34, à train de roulement Christie, pesait à l’origine 26 t (30 t, par la suite). Il était armé d’un canon de 76,2 en tourelle. Il avait un équipage de quatre hommes, un blindage maximal de 60 mm, avec des formes très profilées et une vitesse de 55 km/h. Des chenilles très larges donnant une pression au sol inférieure à 700 g/cm2 convenaient aux steppes russes. Le canon de 76,2 devait être amélioré, puis remplacé par un canon de 75 (guerre de Corée, guerre israélo-arabe de 1956).Le char lourd KV (usine Klim Vorochilov de Leningrad) pesait 48 t, portait une tourelle à canon de 76,2, avait un équipage de cinq hommes, une vitesse de 40 km/h, le même moteur Diesel de 550 ch que le T 34. Son blindage avant avait une équivalence à 100 mm. Sa dernière version a été le char Joseph-Staline avec canon de 122 en tourelle.Le SU 152 portait en casemate un canon-obusier de 152 mm, il était blindé à 60 mm, pesait 43 t et roulait à 35 km/h environ.Le SU 85, dérivé du T 34, ainsi que le SU 122 portaient respectivement en casemate un obusier-canon de 85 et un obusier de 122. Le poids était de 35 t, la vitesse de 50 km/h, l’équipage de quatre hommes.Il y a eu un SU 122 de 50 t, porteur d’un canon de 122 construit à partir du châssis du KV.Le nombre de blindés soviétiques sortis en 1943 et 1944 et les cadences pour la fabrication des chars T 34 ont été comparables aux performances américaines en la matière. Environ 60 000 chars, dont 24 000 T 34, auraient été fabriqués en U.R.S.S.Matériels britanniquesLes développements des chars d’infanterie ont abouti, après 1941, au char Churchill analogue au char B 1 français (40 t): cinq hommes d’équipage; blindage équivalent à 100 mm; moteur de 350 ch; armé d’un canon de two pounders , puis de six pounders (57 mm), en tourelle et d’un obusier de 75 court en casemate avant. Le Churchill a donné lieu à deux dérivés remarqués lors du débarquement en Normandie: le Crocodile lance-flammes d’une portée de 120 m et l’AVRE (Armoured Vehicle Royal Engineers), porteur d’un mortier de 230 mm, surnommé Pétard, particulièrement efficace contre le béton.Les Crusaders de 1940 ont abouti au Cromwell à train de roulement Christie, armé du canon de six pounders (57 mm) du char Churchill (27 t, moteur de 600 ch, blindage de 40 à 76 mm, équipage de cinq hommes, vitesse de 64 km/h). Le surblindage du Cromwell a inspiré le Comet, plus lourd (33,5 t; le moteur Rolls-Royce de ces matériels était un moteur d’aviation adapté). De ces matériels devaient dériver le Challenger (canon de 76,2), le Charioteer (canon de 83,4 mm), le Centurion de 50 t, armé, dans ses premières versions, du canon de 83,4 mm, en attendant le canon de 105 mm dans la version encore en service.Le canon de 83,4 mm marque une étape par sa munition antichar du type du «sous-calibre à sabot» détachable, solution qui permet des vitesses initiales de l’ordre de 1 400 m/s.Matériels américainsLes matériels américains ont compté:1. La série des chars légers M 3 et M 5 armés, comme le Pz III allemand, d’un simple canon de 37 ou d’un obusier court de 75 dans une version particulière (M 8). L’aboutissement de 1944 devait être le char M 24, le Chaffee, pesant 20 t, armé d’un canon de 75 à lien élastique concentrique, très léger, qui utilisait les munitions du char Sherman. Ce char a été utilisé par l’armée française en Indochine.2. Les chars moyens General Sherman M 4, qui devaient équiper en masse les armées alliées et beaucoup d’autres, après 1945. Pesant de 30 à 33 t selon les modèles, fortement blindés, roulant à 50 km/h, ils portaient en tourelle un canon de 75 tirant un obus plein perforant à 600 m/s de vitesse initiale, nettement plus puissant que le canon de 75 du char allemand Pz IV de 1940, mais moins puissant que ses successeurs à 40 et 70 calibres de long. Les Américains durent, pour leurs Sherman, improviser des groupes moteurs de 400 ch: moteur Wright d’aviation; jumelage de 2 moteurs Diesel 200 ch à 6 cylindres; assemblage de 9 moteurs Chrysler d’automobile, jusqu’au jour où la société Ford sortit un vrai moteur de char avec 8 cylindres en V de 500 ch. On vit alors apparaître le char General Pershing, pesant 40 t, roulant à 40 km/h et armé d’un canon de 90 mm, réplique du canon allemand de 88 mm des chars Tigre.3. Les «chasseurs de chars» (tank destroyers ). Les Français virent débarquer à Oran, en novembre 1942, les premiers modèles construits par mariage du canon de 75 de la Première Guerre mondiale avec des châssis semi-chenillés de half-tracks. Puis vint le TDM 10, sur châssis Sherman avec canon long de 3 pouces en tourelle ouverte. Le dernier modèle allait être le Hell Cat M 18, de 20 t, armé d’un canon long de 76 en tourelle ouverte, roulant à 80 km/h, sur chenilles.4. L’automoteur d’artillerie, armé d’un obusier de 105 mm à casemate ouverte, fut construit à partir de pièces tractées et de châssis de chars moyens M 3, abandonnés après une expérience peu heureuse en Libye. Ces chars M 3 avaient un canon de 37 en tourelle, inefficace contre les Pz IV de Rommel. Le canon de 75 était trop long à pointer.Le tableau 5 donne les caractéristiques comparées des chars leaders de 1945.5. Les matériels blindés après 1945Au lendemain de la guerre, en 1945, les différentes armées ont voulu donner un successeur aux chars des grandes unités blindées en tenant compte au mieux de l’expérience des combats.Soviétiques, Américains et Britanniques ont pratiquement amélioré, surtout en ce qui concerne l’armement, les matériels en service. La France s’est mise au travail dès la Libération. Ses services techniques ont «fait le saut» de 1940 à 1945, prenant pour bases les chars Sherman, Panther et T 34 que des missions d’ingénieurs aux États-Unis et en Allemagne ont permis de connaître. C’est ainsi que fut créé le char AMX 50, aussi bien armé que le Tigre, aussi mobile que le Panther, aussi «profilé» que le T 34 soviétique... ou presque. L’Allemagne ne devait démarrer que plus tard, après son admission à l’O.T.A.N.La mobilité a pris, en France, la prépondérance sur la cuirasse pure et simple, tandis que l’apparition de nouvelles munitions antichars allait infléchir la course aux forts calibres et aux forts tonnages. Enfin, il a fallu prendre en compte le perfectionnement des missiles, le souci des perspectives des combats en ambiance nucléaire, des combats de nuit et des franchissements de fleuves.En U.R.S.S., le T 54, dans ses diverses versions de 36 t, armé d’un canon de 100 mm à 54 calibres, fut le successeur du T 34. Il a été utilisé par les armées arabes dans la guerre de Six Jours en juin 1967. Les KV et Staline ont donné naissance au T 10 de 56 t, armé d’un canon de 122 mm. Un autre char important est le T 62, d’un poids voisin de celui du T 54, et armé d’un canon de 115 mm, tout comme les SU, SU 100, SU 122, SU 152 et le SU 57-2 de 35 t, matériel de D.C.A. armé d’un bitube de 57 mm.En Grande-Bretagne, il y a d’abord eu les Centurion, pesant 50 t, armés d’un canon de 105, tirant une nouvelle munition antichar à sabot détachable pour les grandes distances, projectiles APDS, et à ogive plastique, squashhead , agissant par effet Hopkinson sur la plaque de blindage (l’explosion produit des ondulations destructives). Après, il y a eu le Conqueror, le Chieftain, puis le Challenger, armés tous les trois d’un canon de 120 mm, sans doute pour répondre aux canons de 100, 115 et 122 soviétiques.Les Britanniques sont restés fidèles comme les Français aux véhicules blindés légers à roues (Ferret-Saladin en Grande-Bretagne, EBR et AML Panhard en France). Les guerres de la décolonisation en Afrique et en Asie ont confirmé l’importance de tels matériels.Aux États-Unis, l’évolution lourde a continué avec les chars Patton M 47 et M 48 de 45 t, successeurs du char General Pershing, et le char M 60 de 52 t armé du canon de 105 anglais du Centurion.On a pu penser que l’avenir allait appartenir aux missiles. L’engin Schillelagh à charge creuse a armé les chars américains, General Scheridan et M 60. En France, l’engin Acra répondant à un programme voisin a équipé un projet de tourelle destinée au char AMX 30... Mais le canon est revenu. Il semble avoir reconquis une place de faveur avec la munition flèche agissant par énergie cinétique. Un matériel original léger a été le véhicule Ontos, destiné aux marines, pesant 8 t et armé en tourelle de superstructure de 6 canons sans recul de 105 mm et le chasseur de chars Scorpion de 7,5 t portant en superstructure le canon de 90 mm du char Patton. Les Américains ont sorti deux automoteurs d’artillerie à tourelle (105 mm et 155 mm) pesant 20-25 t, ainsi que des véhicules de 10 t pour transport d’infanterie.Les Allemands ont porté leur effort en premier lieu sur les Schützen Panzer (Hotchkiss, Hispano-Suiza, Rheinmetall et Henschel), porteurs d’armements variés, antichars, D.C.A., armes automatiques et enfin sur le char moyen. Le Leopard pèse 43 t, il est équipé du canon de 105 anglais des chars Centurion et M 60. Il a été adopté par la Belgique et les Pays-Bas.La France a obtenu un succès international avec le char AMX 13 et la famille qui en est dérivée. Plus de 6 000 engins ont été fabriqués, dont la moitié pour l’exportation.Le char AMX 13 porte un canon de 75 long aussi puissant que celui du Panther allemand. Ce résultat a pu être obtenu, sur un char léger, grâce au principe de la tourelle oscillante. Le canon, sa conduite de tir, ses munitions, ses servants sont dans des positions relatives invariables, liés au corps de tourelle qui oscille sur des tourillons horizontaux, au-dessus d’une sellette qui peut tourner horizontalement de 360 degrés. Un système d’alimentation automatique en munitions par barillets a pu être organisé; il exige un servant de moins. Le canon de 75 a été remplacé par un canon de 105 mm de même énergie cinétique et de même quantité de mouvement, tirant une munition à charge creuse stabilisée par un dispositif de contre-rotation ou un canon de 90 tirant lui aussi une munition à charge creuse stabilisée par empennage. L’apparition de ces munitions et l’utilisation du principe de la tourelle oscillante ont permis de faire franchir aux chars légers un grand pas en ce qui concerne la puissance de leur armement.Le char AMX 30 a bénéficié de la découverte de la charge creuse stabilisée. Les Français estiment que son canon de 105 mm permet de «faire mouche» efficacement contre les chars lourds, et qu’il est inutile de persévérer dans la course aux calibres et aux poids comme on le fit de 1940 à 1945. Quant à la cuirasse, elle reste essentielle pour protéger contre les armes automatiques lourdes et les radiations dues aux explosions nucléaires.D’autres pays ont construit leur char moyen de 35 à 40 t: Pz 61 en Suisse, ST-Az au Japon, Bofors S en Suède, Vickers 37 t en Inde, Super Sherman franco-israélien. Ils ont des canons de 90 ou 105 mm; leurs poids sont comparables.Le tableau 6 donne les caractéristiques des principaux chars développés dans les trente premières années de l’après-guerre. Ce tableau ne fait état que des informations divulguées par la presse. Il ne mentionne pas le char Bofors S de 35 t armé d’un canon de 105 en casemate, plus voisin du type du Panzerjäger ou du Sturmgeschütze que du char classique à tourelle. Cette remarque est discutable et discutée. Elle n’enlève rien à l’intérêt du matériel d’une technique particulière (moteur et turbine d’appoint; boîte de mécanisme, suspension hydraulique; pointage du canon par les chenilles).Les débarquements de la Seconde Guerre mondiale avaient amené Britanniques et Américains à équiper leurs chars d’aménagements leur permettant de ne pas être noyés par les vagues, lorsqu’ils cheminaient dans l’eau. La campagne de Russie avait mis en évidence le problème du franchissement des grands fleuves, ce qui a conduit à rechercher les capacités amphibies.Par exemple, le char Leopard allemand et le char français AMX 30 peuvent cheminer sous 4 mètres d’eau; un schnorkel aisément démontable leur permet de respirer. Il y a aussi des matériels amphibies qui flottent et se dirigent par leurs propres moyens (turbines, hélices, hydrojets), en particulier en Russie, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il y a eu, ailleurs, des prototypes, notamment en France.Enfin, les équipements d’observation et de tir de nuit par utilisation de projecteurs et d’organes de vision utilisant les rayons infrarouges sont dans tous les chars modernes.Le tableau 7 donne les caractéristiques de quelques chars modernes. Ils dérivent pour la plupart de ceux nommés dans le tableau 6, tout en possédant quelques caractéristiques particulières:– Les canons ont éliminé les missiles comme armement principal des chars. Les missiles subsistent, bien entendu, dans les automoteurs et automouvants divers qui les appuient. La munition «flèche» agissant par énergie cinétique a été adoptée, remplaçant les obus pleins, sous-calibrés et à charge creuse stabilisée.– Les blindages «composites» ont fait leur apparition, parade contre les armements antichars d’infanterie (engins autopropulsés à charge creuse et mitrailleuses lourdes).– Les conduites de tir se sont perfectionnées afin que le tireur «tout venant» puisse «faire mouche au premier coup».– Les moteurs Diesel, rapides, polycarburants, de plus en plus évolués ont remplacé les moteurs à essence.– Les transmissions hydrostatiques ont acquis droit de cité.– Les poids ont augmenté, tendant à dépasser les 50 t.6. Perspectives d’avenirPartout le char est toujours considéré comme l’arme de base des grandes unités terrestres, appuyé et servi par une gamme de matériels blindés de tonnage varié. Partout, la foi dans le char principal des grandes unités blindées a subsisté. La puissance des armées conventionnelles reste toujours mesurée par les qualités et le nombre des chars de combat en service, compte tenu de l’apparition inquiétante des missiles tactiques à tête nucléaire.L’évolution du char se poursuit. Elle dépend, évidemment, des ressources de la technique. Ce serait cependant une erreur de croire que le meilleur char devrait résulter uniquement de la juxtaposition des solutions techniques d’organes les plus évolués. Le char doit, avant tout, répondre aux nécessités du combat.Les guerres israélo-arabes, en particulier la guerre du Kippour, ont donné bien des enseignements en ce qui concerne la protection contre les armes d’infanterie modernes.Reste l’inconnu de cette guerre atomique, qui continue de hanter les esprits malgré la redéfinition des rapports mondiaux à la suite de l’effondrement du bloc communiste. Dans ce domaine, il faut faire appel à l’imagination et à l’intuition... Cependant, la technique donne, semble-t-il, le moyen de protéger les équipages de char contre les rayonnements atomiques de toute nature.Reste à lutter, et ce n’est pas la moindre difficulté, contre l’augmentation des tonnages: 50 t, c’est beaucoup. D’où l’intérêt des blindages composites les plus réduits en volume. Il faut aussi ne pas oublier la vieille règle de l’emploi en masse, c’est-à-dire d’envoyer des chars en grand nombre. Enfin, il faut limiter au mieux les prix de revient... Peut-être verra-t-on surgir des solutions nouvelles de chars sans tourelle avec armement à l’extérieur, faisant suite aux chars suédois à qui les techniciens de Stockholm semblent bien préparer des successeurs.L’AMX 10 RC, mérite une mention particulière comme matériel à roues, utilisant le moteur et la boîte de mécanisme du modèle de base à chenille et virant comme lui par différentiation des vitesses des trains de roulement des deux bords. Mais ce matériel ne concurrence pas le matériel traditionnel à chenilles.Résister aux armes d’infanterie modernes, être aisément fabricable, le moins cher possible, avoir un canon de grande puissance antichar, le poids minimal, un grand rayon d’action, une conduite de tir moderne, tel est l’idéal..., véritable «quadrature du cercle» posée aux concepteurs des chars de l’avenir.
Encyclopédie Universelle. 2012.